Mgr Ibrahim M. Ibrahim
Par la grâce de Dieu, Éparque des Grecs-Melkites catholiques du Canada adressé aux Révérends prêtres, aux religieuses, diacres, fidèles et amis de L’Éparchie Melkite de Saint-Sauveur, bénie de Dieu.
Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
Chers frères et sœurs en Jésus, chers amis,
Nous sommes vers la fin du Grand Carême, période de dévotion qui nous prépare à la Passion et à la Résurrection de Pâques. Pour nous baptisés, ce temps abondant de grâces et de bénédictions a pris cette année subitement une tournure tragique, inédite et particulièrement pesante sur les esprits partout dans le monde.
Suite à l’invasion du COVID-19 et en conformité avec les directives des gouvernements fédéral et provincial, les Agences de la santé publique et l’Exécutif de l’Assemblée des évêques du Canada et du Québec, et par respect aux consignes de confinement, nous nous abstenons de célébrer les messes au sein des cathédrales et des églises. Nous suspendons les rassemblements communautaires et nous évitons toute proximité et toutes les activités en groupes. Autrement, c’était le temps de réciter et chanter les belles prières du repentir adressées au Dieu Tout-Puissant ainsi que les prières de l’Acathiste pour invoquer la Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère.
Cependant, chacun de nous est cloisonné chez lui et vit une solitude forcée, par obligation et par précaution et prudence. Pour alléger cette solitude et vivre en paix, Saint Jean Climaque (579- 649) disait que « La vie solitaire consiste à vivre toujours en présence de Dieu. » Ainsi, dans ma solitude, Dieu n’est pas absent et ne me délaisse point, puisqu’il a une prédilection pour les personnes qui comptent sur Lui. Que fait-Il en arrivant chez moi ? Il me parle, Il m’écoute, Il me relance. Toujours à l’œuvre, Dieu demeure actif et nous insuffle éveil et nous rend bien vivants.
En effet, dans nos traditions, tout ermite choisit la solitude pour contempler Dieu, pour entendre sa voix et pour parler avec Lui. Justement, Évagre le Pontique (346-399) écrivit : « Le moine solitaire est celui qui est séparé de tous et uni à tous». Être séparé et uni à la fois, c’est un privilège, accordé uniquement à ceux qui accueillent Dieu dans leur vie. C’est ça la vraie liberté : laisser Dieu œuvrer en nous.
Chers fidèles et amis,
Du fond de ma solitude, je suis uni à vous tous, chacun et chacune, et j’élève mes prières pour tous ceux, en première ligne, qui doivent nous fournir les services essentiels, en particulier le corps médical qui s’occupe directement et courageusement des victimes affligées du coronavirus, cet ennemi invisible de la vie humaine. Je suis également uni à tous ceux qui appliquent méticuleusement et sagement la vertu du confinement, de l’éloignement physique et de l’auto-isolement.
Je suis uni à mes prêtres qui ont fait preuve de don de soi, de compassion et procuré sans relâche leur support et leurs bons soins à nos fidèles. Ensemble, nous prions pour nos paroissiens et davantage nous nous approchons d’eux avec l’amour de Jésus. Je les remercie de tout cœur d’être si dévoués à leur ministère du service et de la charité évangélique.
Lors de ma dernière célébration de la Divine Liturgie dans notre Cathédrale avec les bancs totalement vides, j’ai éprouvé un profond et douloureux sentiment de tristesse devant l’ampleur des effets de cette pandémie destructive.
La journée du vingt-sept mars 2020, durant sa bénédiction extraordinaire Urbi et Orbi, solitaire sur la place Saint Pierre, nous écoutions Sa Sainteté le Pape François qui priait avec ferveur : « Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus. » Le Saint-Père continue : « Nous ne nous sommes pas arrêtés face aux rappels du Seigneur, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. Maintenant, alors que nous sommes dans une mer agitée, nous t’implorons « Réveille-toi Seigneur ! » … « Tu nous demandes de ne pas avoir peur. Mais notre foi est faible et nous sommes craintifs. Mais toi, Seigneur, ne nous laisses pas à la merci de la tempête. Encore, « N’ayez pas peur » (Mt 28, 5). Et nous, avec Pierre, “ nous nous déchargeons sur toi de tous nos soucis, car tu prends soin de nous” (cf. 1P 5, 7). »
Mes bien-aimés dans le Christ, comme l’a dit le pape François : « Nous sommes craintifs. » Faire l’expérience de la peur dans des moments similaires est propre à l’humain. Le contraire serait de laisser la peur et l’exaspération prendre le contrôle de nos vies. Pour nous les baptisés, la foi, la confiance et l’espérance nous affranchissent de la peur.
N’ayez pas peur : Jésus est avec nous dans l’œil de la tempête. Il est celui à qui nous crions avec le psalmiste « Même si je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi ; ta canne et ton bâton me réconfortent. » Le Seigneur fait sa part et il nous incombe de faire notre part : Celle de savoir vivre sa foi en temps de péril. Bien évidemment, suivre sagement et respectueusement les directives sécuritaires, tout en ayant toujours à l’esprit, le recours à Dieu, notre Saint-Sauveur qui ne nous abandonne jamais et qui nous protège chaque fois qu’on fait appel à Lui, avec une grande confiance.
Chers amis, Dans cette période difficile, je vous invite avec insistance et bienveillance de prendre le temps de prier ensemble, demander pardon à Dieu pour les erreurs, contre Lui, contre le prochain et contre nous-mêmes. Surtout, supplier Dieu de bénir les scientifiques qui se consacrent pour trouver médicaments et vaccins afin de faire disparaître ce virus destructeur qui fait beaucoup de ravages, de guérir ceux qui en sont atteints, et en même temps de Lui dire notre gratitude.
J’aimerais aussi vous proposer, qu’étant donné que les membres de notre famille sont rassemblés, jeunes et moins jeunes, au lieu de rester fixés devant la télévision ou sur le téléphone cellulaire, de prendre le temps d’échanger entre nous et de partager de bons vieux souvenirs de notre résilience durant les épreuves passées. C’est une manière pour nous de resserrer davantage notre solidarité familiale.
D’autre part, rappelez-vous les Écritures, « Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux (Mt 18:20). » Ainsi, nos foyers redeviennent des églises comme dans les temps des persécutions sachant que l’église ne se limite pas à un lieu précis ni à une bâtisse dont on peut lui fermer les portes. L’Église, appelée « le corps du Christ », est un corps vivant, une famille de croyants qui s’unissent spirituellement au nom de son Sauveur. Et parce que notre Église est vivante, nous ne pouvons que demeurer éveillés spirituellement et actifs.
Tous les membres de notre clergé au Canada sont unis pour offrir aux fidèles des messes, des prières, des discussions en ligne, via tous les réseaux sociaux et les applications de partage. De même, toutes les activités concernant nos plus jeunes et nos plus vieux continuent d’avoir lieu, également en ligne.
Frères et sœurs,
« Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous », même pas ce virus de malheur, car il sera paralysé et anéanti par la main de Dieu, plein de bonté, d’amour et de miséricorde, et par son cœur compatissant, plein de tendresse et de pitié. Ce virus ne peut nous empêcher de célébrer la Résurrection de Notre Seigneur Jésus Christ, Pâques, la Fête des Fêtes et la Saison des Saisons. Nous allons la célébrer selon les mesures d’urgence en gardant toute sa splendeur spirituelle. Même du fond de notre solitude, l’Événement de la Résurrection sur lequel repose toute notre foi chrétienne, reste grandiose.
Comme l’affirme Saint Paul, sans la foi en la Résurrection, notre foi reste vaine. Cette foi nous amène à un changement authentique et radical, qui nous fait passer, nous les pécheurs, de l’état de l’esclavage de la souffrance et de la mort, à l’état de la filiation de la Résurrection et du Salut, qui sont les fruits de la grâce de la Résurrection du Christ.
Afin que la Résurrection du Christ devienne notre propre résurrection, nous devons passer de l’état de pécheur à l’état de la grâce, de l’état de la peur à l’état de la confiance, en refusant le mal, en nous souvenant que le mal ne peut être réduit à un virus – même si c’est une pandémie – et que le mal qui cause la perte de nos âmes est toujours plus grave, et en choisissant radicalement le bien.
Que Dieu rende la Résurrection du Christ une véritable guérison pour notre monde blessé et angoissé. Qu’Il fortifie notre église, notre éparchie, nos paroisses, nos familles, nos pères, nos mères, nos enfants. Qu’Il aide notre société, pour accueillir le Bien et en rejetant le Mal et bannir les discordes et les divisions et en choisissant la voie du pardon, de la réconciliation, l’union et la communion entre nous, avec Dieu, en suivant le chemin d’une vie nouvelle, celle de la Bonne Nouvelle évangélique et celle de la Résurrection et du Royaume.
Que cette Fête soit glorieuse pour vous tous et pour l’Humanité en entier. Que Dieu vous protège de tout mal et vous accorde plus de sérénité, de joie, de paix, de succès et une plus longue vie en santé.
« Ô Dieu Tout-Puissant, sois avec nous, car dans les épreuves nous n’avons que Toi pour nous soutenir. Ô Dieu Tout-Puissant, prends pitié de nous » !
Que Dieu nous protège et que sa Sainte Mère, la Vierge Marie, ne nous oublie pas. Amen !
- Mgr Ibrahim M. Ibrahim
Évêque éparchial de Montréal
pour les Grecs Melkites catholiques du Canada
l’icône de la Résurrections dans la cathédrale melkite à Montréal
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